Coucou,


Je vous emmène au gré des méandres de ma pensée vers un petit îlot que je chéri depuis toujours. Avant d'embarquer, vous êtes prié de laisser votre logique à terre, elle ne ferait que nous ramener vers des contrées connues.


Me promenant dans Chiang Mai, je suis entrée dans un nouveau temple. Ici c'est facile, il y en a à tous les coins de rues. Certains magnifiques, d'autres qui me laissent parfaitement indifférente. Oui à force d'en voir on commence à faire la difficile. J'ai donc pénétré le Wat Rachamontian. Pour une raison ou une autre, je ne saurai pas vraiment vous l'expliquer, celui-ci m'a touché. De la même manière qu'une chapelle romane me procure plus d'émotion qu'une cathédrale gothique, je crois que j'ai aimé sa simplicité. Bref, ce n'est pas tellement de mes goûts en matière de temple dont je veux vous parler mais de mes réflexions quand, après avoir médité un moment à l'intérieur, je suis sortie voir les extérieurs. C'est là que j'ai vu les statues. Agenouillés, priant, ces êtres de pierre avaient autour des poignets des colliers de fleurs orangées, offrandes fraîches et délicates, témoignage quotidien de la dévotion d'hommes et de femmes pour Bouddha et ses enseignements. Elles sont là depuis longtemps ces statues en prière, traversant le temps, chaque jour refleuries.

J'ai alors compris ce qui composait, pour moi, l'une des plus grandes différences entre la religion ici et la religion chez nous. Ici, elle est vivante. Je n'ai pas étudié de près les enseignements bouddhiques, je ne réfute donc pas l'existence d'autres différences majeures toutefois là encore, ce n'est pas le sujet de la discussion. Nous y arrivons, un moment je vous prie, le temps d'un méandre. Je n'oublie pas le principe d'impermanence cher aux bouddhistes, pierres comme fleurs se transforment mais les premières avec une lenteur qui s'approche pour l'Homme d'un principe d'éternité. Ces statues sont la manifestation d'une sagesse ancestrale qui perdure car chaque jour ramenée à la vie. C'est ainsi qu'au loin l'îlot fait son apparition : je ne suis pas une personne religieuse ; je suis spirituelle. Le lien avec ce que je disais plus haut n'est peut-être pas d'une grande limpidité mais la logique je vous l'ai dit au début, n'est pas le meilleur guide dans cette histoire. Je vous disais donc "je ne suis pas une personne religieuse". La religion n'est pour moi que l'établissement de règles auxquelles les Hommes sont enjoints de se soumettre afin de maintenir un pouvoir en place au détriment de notre pouvoir personnel (et le bouddhisme à mon avis ne fait pas complètement exception... mais passons). Ce qui m'intéresse c'est la vitalité des enseignements que nous ont légués les anciens (c'est peut-être ça que m'ont évoqué les fleurs : la vitalité), pas dans le respect aveugle de règles immuables qui ne font plus sens aujourd'hui, cette docilité ne mène pas à plus de sagesse, dans leur actualisation. C'est là qu'ils reprennent toute leur force. C'est en partie cela pour moi être spirituelle. Une certaine liberté d'esprit en ce qui concerne le monde l'invisible, une certaine agilité pour s'y mouvoir et l'explorer. D'ailleurs, appelez ça comme vous le souhaitez : invisible, indicible, intangible, divin, spirituel... Un mot n'est qu'un mot.

Et voilà ça m'a frappé d'un coup, comme une barque heurterait dans la nuit un récif inattendue : je ne refuse pas pour autant le monde de la matière. C'est parfois un écueil sur lequel les spirituels s'abîment. Croire que le monde de l'esprit est supérieur à celui de la matière, que la matière (j'entends par là le corps, les émotions, ce que vous pouvez toucher, sentir...) n'a pas de réalité et que seul l'esprit compte. Pour moi spirituel et matériel ne sont que deux aspects d'un même monde, les deux faces d'une même pièce. L'un n'a d'existence que par l'existence de l'autre. Malheureusement je crois que beaucoup d'entre nous n'accédons pas au monde spirituel non pas que nous ne le puissions pas mais parce que nous fermons la porte, par peur, par ignorance, nous coupant ainsi d'une partie de nous même. Tout comme ceux qui ne jure que par le monde de l'invisible se coupent de leurs racines terrestres et s'excluent des préoccupations des hommes pour atteindre ce qu'ils jugent être un état supérieur. Rester coincer dans l'un des deux mondes n'est à mon avis jamais sain. Comme il est bon d'ouvrir les fenêtres pour aérer sa maison, il est bon je crois d'ouvrir les fenêtres entre les mondes intérieurs et les mondes extérieurs, le tangible et l'intangible. Et de laisser se faire la circulation. La vie est dans le mouvement.


Je vous envoie plein d'amour,

Liselotte